Galeries & salons
Christopher Churcher, REDSEA Gallery (Février 2020)
L’art a un pouvoir sur nous différent de celui de toute autre entreprise humaine – il a la capacité de produire une variété d’émotions qui nous est propre et qu’aucune autre activité ne peut comparablement offrir. Le spectateur peut s’esclaffer de rire, être ému jusqu’aux larmes, être réconforté par l’aspect familier de ce qu’il voit, défié par ce qui est suggéré ou bien déstabilisé par les intentions de l’artiste. Quelles que soient les formes innombrables qu’il puisse prendre, l’art garde toujours sa force évocatrice.
Nos émotions n’existent pas dans le monde physique tels un arbre ou un rocher. L’art est le point de départ qui nous permet de les explorer. L’art et les émotions ont une relation symbiotique. L’acte artistique vient du désir propre à l’artiste de libérer son besoin physique de créer et d’améliorer son bien-être émotionnel qui éclot quand il plonge dans le processus de création.
Avec l’art, chacun interagit à sa manière. Peu importe comment il nous touche, nous ressentons toujours son influence quand nous avons l’occasion de le contempler. Les réactions émotionnelles à la création artistique les plus fortes dont j’ai pu être le témoin, résultaient du travail de Valérie Goutard. Jamais au paravent, je n’ai croisé une œuvre qui provoquait si puissamment un tel émoi intérieur. Val possédait la capacité de créer des sculptures qui, bien sûr, reflétaient d’abord ses réflexions intimes mais tout en permettant au contemplateur d’interpréter celles-ci librement et sans entrave créant ainsi une communion intime entre l’œuvre et son observateur. J’ai fait ce constat de si nombreuses fois; j’ai vu des gens si émus face à l’œuvre de Val que j’en ai moi-même été profondément bouleversé. [ + ]
Val a toujours préféré privilégier la liberté du spectateur de décider de sa propre interprétation de son travail plutôt que de le commenter elle-même. Son désir était que chacun puisse se forger sa propre intimité avec ses sculptures et puisse laisser ses sentiments dériver à l’envie. Val nous a donné cette opportunité de ressentir pour nous-mêmes. C’était cela Val. Son sentiment intérieur devenait le nôtre; c’était là que résidait son sixième sens.
Dans Finding Soulmate II, la structure est simpliste mais si puissante. Deux personnages sont debout, nous les observons se réunir, sachant d’instinct que rien ne s’immiscera entre eux. La tapisserie de la vie est là, enlacée; ils entreprennent leur voyage ensemble, ne se soucient pas de ce que l’avenir leur réserve, mais se contentent de s’être trouvés; ils sont ensemble, s’acceptent, se font confiance, s’inspirent; éternellement amoureux.
Avec L’adieu, les émotions sont presque trop fortes. Cette pièce est teintée tout à la fois de tristesse et de bonheur. Un amant, un ami ou peut-être un frère ou une sœur trouvant en soi la paix malgré les adieux, se rendant compte que le temps de l’aimé sur terre arrive à son terme. Ou peut-être s’agit-il d’un père ou d’une mère qui dit au revoir en toute quiétude à l’enfant quittant le nid familial.
A travers New Born Child, Val crée une aura de joie. Un couple virevolte avec cette nouvelle vie entre leurs mains. Devant eux apparait un voyage merveilleux qui les verrons s’épanouir ensemble. Cependant et dans l’instant, ils sont juste heureux de vivre cet accueil de l’innocente, de cette nouvelle vie dans notre monde.
Val a écrit : « Être sculpteur, s’est se mettre constamment en péril. Si l’on ne se met pas en danger, on ne peut ressentir la force de la vie. »
Nous lui rendons hommage.
Chris Churcher
Fondateur de la REDSEA Gallery
Val, a legacy à l’Alliance Française de Singapour & REDSEA Gallery en 2023
Organisée simultanément à l’Alliance française de Singapour et à la REDSEA Gallery, du 12 octobre 2023 au 10 janvier 2024, Val, A legacy, qui s’inscrit dans le cadre du French Excellence Program, est une rétrospective consacrée à Valérie Goutard, artiste de renommée internationale aujourd’hui disparue.
Artiste autodidacte et instinctive, les sculptures de Val témoignent de son amour de la liberté, coupant une à une les attaches matérielles, sentimentales ou culturelles qui l’empêchaient de vivre pleinement son désir de créer.
Véritablement sensible, magnifiquement déséquilibrée et imprégnée de sa lumière intérieure, son œuvre est une tentative de mettre à jour les relations de l’homme avec lui-même et avec son espace, à travers des pleins et des vides qui s’entremêlent et forme un rythme visuel fort.
Véritable citoyenne du monde ayant vécu en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud, elle s’installe à Bangkok en 2004 pour ouvrir son atelier parmi les fondeurs de bronze d’Ayutthaya. La rencontre avec son mari Frédéric Morel lui donne la force de se mettre en danger et de renouveler perpétuellement son art. Elle explore ensuite les voies des maîtres verriers de Murano pour élargir son regard sur l’illusion, l’invisible, le sacré. La douleur de sa disparition est d’autant plus vive qu’elle a évolué rapidement vers le rang des plus grands.
L’unicité de son art et le rayonnement international de son nom sont à l’origine de cette rétrospective qui présente quelques-uns de ses chefs-d’œuvre les plus célèbres sur deux sites différents : ici à l’Alliance française et à la galerie REDSEA. Entre les lignes métalliques de Val, nous vous invitons à retracer l’histoire d’une carrière exceptionnellement créative et à comprendre les raisons de l’engouement unanime pour son œuvre, un héritage de bronze et de verre.
Après de nombreuses expositions personnelles organisées dans toute l’Asie (Chine, Taiwan, Corée, Singapour, Inde, Thaïlande, …) ainsi qu’en France, au Royaume-Uni, en Belgique, aux États-Unis … La réputation internationale de VAL a pris son envol lorsqu’elle a participé à la Shanghai Art Fair en 2010 et au Jing’An International Sculpture Park Project avec la présentation de sa première sculpture monumentale intitulée Urban life. Dans les années qui ont suivi cette performance acclamée par la critique, elle a réalisé de nombreuses expositions et installations publiques et créé des sculptures qui sont la signature même de sa vision créative et sculpturale. [ + ]
En 2016, l’Académie chinoise des beaux-arts de Pékin (CAFA) lui a rendu un hommage rare pour une artiste occidentale en organisant une rétrospective de son œuvre. Elle et son mari ont ensuite réalisé l’exploit d’installer Ocean Utopia sur les fonds marins de Koh Tao en Thaïlande, quelques mois avant son décès tragique en Thaïlande en octobre 2016. Cet ensemble sculptural vise à rétablir les récifs coralliens disparus qui constituent le troisième support de cette œuvre d’art.
Récemment, en 2022, son chef-d’œuvre From chaos to wisdom a fait l’objet d’une exposition institutionnelle dans le cadre de l’exposition off de la Biennale d’art de Venise.

Val, a legacy à l’Alliance Française de Singapour & REDSEA Gallery en 2023
Exposition « Inéquilibre » – Texte de Pascal Gabert (Mai 2022)
J’ai été honoré de présenter pour la première fois au public parisien le travail de la sculptrice française Valérie Goutard, dite Val, ayant connu un réel succès en Asie au cours de sa carrière. Les sculptures exposées présentaient l’évolution de son travail et du fil créatif qu’elle a déroulé œuvre après œuvre, créant à travers chacune d’entre elles une notion de déambulation, de liberté, de mouvement, de fragilité, d’humanité, lui permettant de rendre ses sculptures profondément vivantes. Val possédait la capacité de créer des sculptures en constante évolution, changeant en fonction des saisons, du vent, de la lumière, leur offrant une dimension envoûtante et impalpable.
Cette exposition a été un réel succès et a suscité un engouement très intense auprès du public. J’ai pu être témoin de l’émotion des visiteurs face à la poésie de ses sculptures et de la proximité immédiate se créant entre l’observateur et l’œuvre, de leur surprise face à la légèreté de sa ligne contrastant avec la densité du bronze et de leur réconfort face à l’aspect familier des émotions quelle laisse transparaitre dans chacune de ses sculptures.

“Inéquilibre” à la Galerie Pascal Gabert en Mars 2022
Philippe Staib, Philippe Staib Gallery (Février 2020)
Un ange vient de passer dans le monde de l’art (1967-2016)
VAL
Encore aujourd’hui le 11 novembre 2016 à Art Taipei peu de jours après son départ plusieurs personnes qui ne connaissaient pas l’œuvre de VAL se sont arrêtées et ont demandés des pièces de cette artiste qui a réalisé trois des œuvres présentées. Rien n’avait motivé leur visite juste leur œil s’était arrêté.
Ce phénomène constaté depuis dix ans est unique dans l’histoire de la sculpture contemporaine et c’est là-dessus qu’il faut s’arrêter en premier pour bien comprendre l’unique positionnement de VAL dans le monde de l’art. Pour l’habitué des foires d’art que je suis devenu je n’ai jamais rencontré de phénomène équivalent. Jamais un artiste vivant n’a, de nos jours, généré un tel « consensus spontané de l’œil ».
Je ne peux le comparer qu’a Picasso lorsque l’une de ses œuvres est présente les yeux s’arrêtent parce que l’on a reconnu un Picasso du Picasso sur lequel on a tant lu et vu. [ + ]
Avec VAL ce n’est que ce que l’on voit qui arrête au départ. Un peu de bronze organisé par une main de génie qui au commencement a créé une forme le plus souvent en cire attachée à une structure de fil de fer ou de morceaux de fer. Puis la représentation nait dans sa tête et une première forme entraine une réflexion de l’œil, de la tête du cœur qui ensemble laissent les doigts créer la continuation pour aboutir à une étape de repos qui est l’étape UN de la création. Je comparerai cela à Frank Géry quand il explique que ses envolées tant admirées sont dessinées en laissant le crayon poursuivre le mouvement qui il a initié avec tout son être plein de l’élan créatif dont il s’est rempli en s’installant à sa feuille de dessin. VAL génère ses formes, ses êtres et leurs rapports de toutes les parties d’elle même qu’elle rassemble dans une force créative qui se concentre sur l’essentiel de la vie transposée non pas dans une création aboutie mais dans le cœur de l’élan créatif s’arrêtant juste avant d’être distordu par une recherche de réalisme. Elle s’arrête juste avant d’avoir à ajouter un élément de réalisme car elle n’est pas prise par la fièvre de vouloir aller au bout d’une représentation complète de ce qu’elle voit. Comme on est loin de la rage d ‘un Giacometti qui détruisait sans arrêt dans le but d’aboutir à représenter ce qu’il voyait exactement (ou croyait voir). Val a la qualité unique pour un sculpteur de savoir ou sa création doit s’arrêter et s’arrête. C’est un des éléments essentiels de son génie et de la force qu’elle nous lègue. En effet la trajectoire créative partant du cœur et de la tête puisant au fonds de l’imaginaire et de la mémoire du créateur se transforme en une représentation par une alchimie obscure à nous et une transmission aux bras et aux doigts d’un ordre de marche mystérieux.
Rodin s’isolait dans des cathédrales (lui qui n’était pas croyant) avant de faire ses dernières retouches à un modèle sur lequel il y avait déjà beaucoup de travail et à la fin de sa vie il avoua ces visites et qu’elles étaient pour se pénétrer de la grandeur des lieux pour l’aider à terminer son œuvre. Rien de cela chez VAL qui s’assurait seulement, à la fin de sa création, que son œil acceptait ce qu’elle venait de créer.
C’est cette simplicité, cette absence du travail inutile qui rends sa communication avec l’œil étranger tellement immédiate et fluide. On pourrait presque appeler cela de l’art brut avec un cœur et une tête immense.
En effet on peut dire que la simplicité du message attire car évocateur immédiat chez le passant de quelque chose qu’il connaît et ressent spontanément. J’irai bien plus loin en disant que sa création s’arrête juste à la limite de l’inconscient et du conscient, la limite de l’idée et de la verbalisation, à la limite de la création et du polissage. C’est cet état, ce mouvement arrêté que le passant reconnaît ainsi que les formes sur lesquelles il peut projeter tout son inconscient, ses questionnements, ses sentiments, ses attentes, ses analyses, ses angoisses… c’est à lui qu’on s’adresse ………… Il s’arrête et regarde comme si il plongeait dans un langage qu’il connaissait et de temps en temps sans même relever la tête il demande : dites-moi ce que l’artiste a voulu dire ? Puis, prenant du recul, il digère la réponse en continuant son dialogue avec la sculpture.
On peut parler et donner multiples explications sur la sculpture de VAL mais il existera toujours cet élément mystérieux qui est une communication immédiate entre son œuvre, l’œil et l’inconscient de l’autre.
Ce mystère a généré au cours des années des milliers de personnes qui la connaissent et ont une vraie communication avec son œuvre.
Durant cette exposition j’ai pu voir de parfaits inconnus me disant : On s’est arrêté parce que ce sont des œuvres de Val et en allant plus loin comprendre que chaque année ils s’arrêtaient et même une fois avaient eu une photo avec VAL devant l’une de ses sculptures. VAL en plus de son œuvre a représenté devant toute cette population le charme et la gentillesse. Quand des passants s’arrêtaient devant une de ses pièces elle parlait volontiers avec eux et écoutait leurs commentaires avec l’humilité d’un grand artiste s’effaçant devant son œuvre. Elle écoutait et apprenait de tous. Ses quelques années parmi nous ont créé un nombre immense de personnes attendant un jour de pouvoir acheter une de ses œuvres.
SON ŒUVRE
Pour venir à son œuvre et essayer de faire une description on doit partir de ses premières pièces qui sont juste un sujet, une personne comme « Miss Trendy » que j’ai là devant moi et qu’il me semble regarder pour la première fois
Extraordinaire puissance du détail évocateur de la position des mains, de la position du corps, de la robe et ce visage à peine dessiné qui est si présent. On voit dans cette pièce tant de choses que l’on comprend qu’elle soit allée aussi loin, aussi vite.
Puis partant de là en moins de 13 ans l’année 2016 avec une exposition rétrospective (Anatomy of a creative path) au prestigieux musée de la Central Academy of Fine Arts de Beijing (CAFA) en début d’année puis une création monumentale de 36 mètres de long sur une variation de 1,5M à 4M de hauteur. Deux étapes que même des sculpteurs âgés et reconnus n’ont jamais pu atteindre. Comme disait si gentiment notre ami commun le grand Sculpteur Antoine Poncet : Elle ira surement au Paradis des sculpteurs mais là ils seront embarrassés de voir une femme et en plus qui n’a pas 80 ans. Tout Faux ma chère VAL et surtout de nous quitter si tôt 49 ans ce n’est pas un âge. Merci à votre mari Frédéric d’avoir si précieusement gardé la trace de tout ce que vous avez fait ce qui permettra à tous de vous connaître dans l’entièreté de votre œuvre et préserver son intégrité. Plus de deux cent créations en Edition de 12 pour la plupart (8 numérotées de 1/8 a 8/8 et 4 exemplaires d’artistes numérotés de EA I/IV à EA IV/IV) et qui ont été acquises par de amateurs et souvent collectionneurs d’une première sculpture. Cela fait près de 200 nouveaux collectionneurs chaque année.
Maintenant nous pouvons parler de ce qu’ est votre Œuvre en sachant très bien que de nombreux critiques et écrivains y mettront leur analyses pertinente pour sur mais je voulais, ici, alors que vous êtes encore tellement présente dire … ce que cette richesse évoquait pour moi. Vous êtes pour moi l’artiste qui a toujours représenté l’attente positive, l’attente d’une rencontre (Attraction), l’attente de moments heureux (Flying lovers), l’attente ensemble d’épreuve (Faith), l‘attente d’un spectacle (Theatre of life), L’attente de rencontrer l’autre (Urban life), l‘attente d’une discussion (Eternal pillars), l’attente d’aimer (Finding soul mate), l’attente d’un moment de joie (Cabaret) et tant d’autres …………
Même les pièces évoquant des périodes difficiles (La traversée, Une vie, Faith ……) ont en elle un élément joyeux, léger, porteur de vie et de sourire intérieur. Vous avez su vous renouveler année après année, chaque fois enrichissant vos créations et cherchant de plus en plus profonds des sujets où nous nous reconnaissions tous.
Comme votre exposition unique et prestigieuse à Beijing Yishu8 (la maison des arts) et les discours de Christine Cayol (Yishu8) et Fan Dian (président de CAFA) vous plaçant dans le sillon de Degas ……………. J’étais tout humble en entendant cela confirmant toutes mes attentes. Nous avions encore un tel chemin à parcourir. Mais vous en avez décidé autrement. Cette dernière semaine avant votre départ nous avons travaillé ensemble à la fonderie pour que vous puissiez finir toutes les instructions de cette œuvre monumentale (pour que je finalise avec l’architecte à Taiwan les éléments de l’installation) j’étais encore éperdu d’admiration pour la façon dont vous avez pris ce projet à bout de bras du concept à la réalisation. Merci Val d’avoir attendu ce moment pour nous laisser une œuvre unique dans l’histoire de la sculpture.
Tout cela est tellement grand et me dépasse tellement que je ne peux que vous positionner de façon unique et tenter cette audacieuse définition de votre place parmi les grands :
Entre Carpeaux qui a poussé si loin la représentation telle que notre sens de la beauté et de l’harmonie pouvaient l’idéaliser, Rodin qui a dépassé toute la sculpture Grecque et romaine en donnant une vie individuelle à chacune de ses créations Brancusi qui nous a amené la pureté des formes tout en ouvrant la porte à la sculpture contemporaine Giacometti qui se battait avec une passion qui le dévorait de vouloir représenter ce qu’il voyait. Vous, vous avez pénétré et représenté notre vie intérieure avec tous les sujets de la vie en un langage mystérieux qui parle directement à notre vie intérieure et notre cœur. Tout ceci à fleur de surface tendrement comme un cri que nous ne pouvons pas ne pas entendre.
Vous êtes avec nous pour toujours et il me semble probable que votre positionnement donne naissance à un courant qui sera suivi par de grands artistes qui ne sont pas encore nés.
Philippe Staib
Ami
Galeriste
et parfois humble conseiller

“Tenth eonian initiative” à la Wellington Gallery en Novembre 2019
John Truong, Wellington Gallery (Juillet 2018)
Le génie imaginatif de Val était profond … on peut le voir et le sentir dans toutes les œuvres qu’elle a réalisées.
La Galerie Wellington a eu la chance et la joie de travailler avec Val depuis de nombreuses années. Dans toutes ses sculptures, ses mains et son esprit travaillaient à l’unisson pour créer ou provoquer un sentiment ou une émotion dans l’œil du spectateur.
Son thème récurrent était un personnage solitaire ou un groupe d’individus placés dans un paysage urbain minimaliste. Réduites à l’essentiel, ces œuvres d’une simplicité trompeuse représentent un univers d’une profondeur et d’une complexité émotionnelles si intenses qu’elles peuvent être presque écrasantes.
Elle avait le don et la rare capacité de saisir, dans un instant éphémère, l’essence des émotions telles que l’amour, la solitude, le désir, le désespoir et la joie. Il est paradoxal que ses sculptures véhiculent tout à la fois le mouvement et le calme en un même instant.
Son expression éclatante si juste de la condition humaine provenait d’une irrépressible impulsion créative qui ne pouvait être niée. Elle était habitée par le désir de communiquer avec les autres par son art.
Durant mes conversations avec elle, j’ai toujours perçu la conscience d’une artiste pour qui le moment même le plus bref ne devait surtout pas être perdu – elle travaillait généralement sur au moins quatre à cinq pièces en même temps :
« Pour moi, le travail est le fruit d’une vie régulière. Je veux pouvoir me réveiller le matin et me mettre directement à la tâche … la sculpture est là où je l’ai laissée pour quelque temps dans un coin. Cela pouvait prendre des semaines voir même des mois avant que j’y revienne. Pendant que je travaille sur autre chose, il arrive assez souvent que soudainement une solution se présente. J’arrête alors ce que je fais et je reviens à l’œuvre; et c’est fait. » [ + ]
Son inspiration était multiple – une pensée, un sentiment, un moment vécu de loin. Les personnages de l’œuvre de Val démontrent une sensibilité tranquille, qui se lit parfois comme une résignation et parfois comme un défi face au paysage toujours changeant de la vie, avec tout son chagrin et sa joie.
Ses sculptures les plus récentes – les dernières – l’ont amenée à placer son art dans un nouveau milieu – l’art dans l’art. Le monde est un endroit moins beau sans elle.
John Truong
Fondateur et directeur de la Wellington Gallery
Juillet 2018
S.A.C. Gallery par Linjie Zhou (Février 2021)
Le pendant de la vie est le vide qui la remplace, la mort venant encadrer et définir ce qu’elle est. La conscience de notre mortalité est ce qui donne tout sens à notre destin, faisant partie intégrante de la « grande aventure en devenir ». Ainsi commence la pensée du poète et académicien franco-chinois François Cheng dans son essai daté de 2013 sur la fin de la vie « Cinq méditations sur la mort : en d’autres termes … sur la vie ».
Cet essai a été retenu comme ayant largement inspiré la très regrettée et mondialement reconnue artiste Valérie Goutard (Val), établissant un lien fort avec la dimension humaniste de son travail. La SAC Gallery présente une exposition rétrospective en mémoire de la défunte artiste Val et en hommage à son œuvre. Cette démarche curative met en lumière l’essence de la vie et de la carrière de Val à travers une sélection de ses sculptures créées entre 2007 et 2016.
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Dans leurs méandres, les sculptures de Val expriment une maitrise unique de l’espace par le contraste entre la légèreté de leurs lignes et le poids du bronze, créant une tension intense et un équilibre délicat. Sa dernière collection en bronze et en verre a été réalisée en 2016 aux côtés des maîtres verriers de Murano. Ce remarquable mélange d’un médium impérissable et d’un autre si fragile a permis l’expression d’un grand équilibre et d’une vraie harmonie. Val écrivit à ce propos : « […] Travaillant à mes sculptures, je ne comprends pas tout ce qu’il se passe mais je perçois qu’il se passe quelque chose, des mondes suggérés, des mondes que l’on pressent parfois mais que nul ne connait. Le verre met en scène une infinité de représentations d’une certaine réalité, rend sa matérialité au vide. ». Pour Val, les vides étaient essentiels car ce sont eux qui créent, par contraste aux structures pleines, le rythme visuel parfait qu’elle cherchait à atteindre dans et avec sa sculpture.
« La beauté de la matière me saute aux yeux et à l’âme. […] Chaque bloc de verre me suggère une histoire, j’oublie mes intentions premières pour me centrer sur ce que cela me raconte aujourd’hui. Chaque pièce de verre me semble unique, chacune a sa propre histoire qui l’a amené là entre mes mains en ayant cette forme-là, cette transparence particulière, ces marques liées à la manipulation de la matière que j’ai souhaitées préserver lors de l’étape du polissage. Chaque sculpture portera en elle son histoire, la joie de la réalisation, de la découverte d’un nouvel univers. […] Il existe une idée de se centrer sur l’essentiel avec le verre. La réalité n’est pas ce qu’elle semble être, il y a quelque chose au-delà de la réalité, une dimension spirituelle presque sacrée. »
Elle a intitulé son travail avec le verre de Murano Tenth eonian initiative qui est l’anagramme de The Venetian initiation pour renforcer le mystère que le résultat lui inspira alors et écrivit à ce propos : « Tous ces matériaux sont des trompe l’œil, des illusionnistes. Ils alimentent l’idée du labyrinthe où l’on perd ses repères. Ils ouvrent vers un monde imaginé, un monde inconnu dont on pressent l’existence. Ils sont des reflets changeants, troublants. »
Son œuvre est connue pour ramener chacun à son propre existentiel et refléter les états d’âme sur lesquels l’esprit humain est propre à s’attarder. La flexibilité et la nature finalement éphémère du bronze est un véhicule parfait pour illustrer le thème de notre confusion éternelle dans la perception que nous avons du temps. Ses œuvres parlent de toute évidence à tout le monde et leurs messages s’appliquent également à chacun d’entre nous. À travers l’inspiration de l’œuvre du poète Cheng, à laquelle Val était tant attirée avant son décès, cette rétrospective a inspiré une sélection d’œuvres qui représentent au mieux la grandeur de son âme et son rapport à la beauté dans la marche éternelle de la vie. Dans le prolongement des cinq médiations de François Cheng, l’approche curative a été répartie en cinq modes d’analyse et de réflexion correspondant à chacune d’entre elles.
Chacune de ces méditations abordent la compréhension humaine de la mort à partir de perspectives différentes mais entrelacées, montrant que la mort est une transition dans un processus de vie plus long que nous le percevons habituellement dans les temps modernes. En devenant les ancêtres du futur, nous deviendrons vivants sous une autre forme; ce qui est vivant ne peut jamais mourir et ce qui est mort n’a jamais vécu. Les conséquences d’un monde qui a abandonné le sacré et qui évite de mentionner la mort est un monde qui vacille maintenant aveuglément à travers le chaos qu’il a créé. Cependant, il peut revenir à l’équilibre si nous embrassons à nouveau le caractère sacré et essentiel de la vie ainsi que de la mort. Dans cette exposition, nous contemplons la vie de Val à travers la lumière de son décès. Être conscient de la mort donne au destin tout son sens. Parce que si la naissance est une semence, alors la mort en est le fruit – le reste sacré d’une vie bien vécue.

“The Reflection of Infinity” à la S.A.C. Gallery par Linjie Zhou en Février 2021