L’atelier de Val

Texte de Val à propos de son travail dans son atelier en 2010

Je ressens une irrépressible envie de créer qui ne fait que grandir et s’affirmer au fil des années et me fait filer dans mon atelier dès le lever du jour. J’arrête à la tombée de la nuit rompue par la concentration de ma  journée, le travail effectué dans la chaleur du climat de Bangkok.

J’ai passé ma journée avec une multitude de personnages avec lesquels je joue comme des marionnettes. Je change la position d’une jambe, crée un déhanchement, j’imagine un regard dans une nouvelle direction, je cherche des connivences entre les personnages, les fais dialoguer ou vivre l’un à côté de l’autre dans l’indifférence.

J’ai fait une plongée dans le plaisir sensuel autour de la forme, la recherche de la ligne, la déformation ou la torsion du plan pour faire jouer la lumière. J’ai laissé le hasard de la forme m‘interpeler et me donner de nouvelles pistes en laissant jouer mes doigts, ils avancent guidés par l’instinct dans une direction encore inconnue.

J’ai pris le temps de regarder, d’observer le détail, de prendre du recul, de m’essayer de nouveaux regards pour jauger, évaluer, rectifier, jeter, confirmer.

La poésie guide ma réflexion, ma perpétuelle recherche, je travaille la forme comme une rime, je recherche la douceur d’une ligne courbe pour évoquer une sorte d’équilibre intérieur : équilibre d’un esquif sur l’eau, poésie d’un livre qui s’envole, d’une main qui se détache d’une architecture, poésie d’une ombre qui se reflète sur un mur comme des silhouettes mouvantes et silencieuses.

Je vais évoquer des instantanés, des moments repérés par ceux qui savent, qui recherchent et qui prennent le temps de regarder la hardiesse d’une démarche, la douceur d’une inclinaison de tête.

J’envisage la petitesse de l’homme. L’importance de chaque destin qui pèse une plume dans l’histoire de l’humanité m’envahit périodiquement, comme un refrain qui calme mes ardeurs.

L’architecture qui sous-tend mes créations a plusieurs rôles.

Elle offre une structure à mes personnages qui leur permet de se poser et ajoute en cela  à l’évocation de l’instant. Mon personnage de bronze est maintenant dans un endroit déterminé, identifié, ce cadre figé va lui donner de la vie comme un instant saisi à un moment donné de son évolution, par opposition à l’intemporalité de la structure.

Cette architecture me permet également d’ajouter une nouvelle dimension à ma création. Une sculpture, c’est de la matière, des formes, des plans, des lignes. La structure, cadre de vie de mes personnages, va ajouter la dimension du vide par opposition au plein.

Mes architectures, parallèlement à ce jeu de l’espace et de la lumière, vont situer mes personnages dans l’espace, sous-tendre un rapport entre  l’homme et le monde qui l’entoure. Je vais jouer sur les différences d’échelles, nouvelles données de la compréhension de mes sculptures. L’homme peut se sentir écrasé par l’immensité qui l’entoure ou être serein et en harmonie avec le monde. L’homme peut être exagérément grand  à l’image de son orgueil et de l’importance dont il se sent investi, ou grand à l’image de son œuvre qui est immense par rapport au temps et aux moyens qui lui sont impartis.

L’architecture, décor de théâtre de mes personnages va avoir deux sources d’inspiration principale à l’image du monde qui nous entoure.

Une inspiration urbaine, multitude de personnages évoluant dans des cadres s’inspirant de l‘architecture urbaine. La ville est en mouvement permanent, la cité à un rythme qui lui est propre, une respiration bien à elle. Mes personnages dans ces décors urbains sont implicitement en action, ils sont imprégnés du rythme de la ville. Ces architectures urbaines évoquent également la multitude, l’absurdité des destins pris dans cette multitude, l’orgueil de ces vies qui se sentent uniques à l’image de la démesure et de la grandeur des édifices architecturaux mais également l’intimité  d’un moment fugace et secret saisi au vol à travers une fenêtre par l’entrebâillement d’une porte.

Une inspiration de la nature avec l’observation de l’immense et du détail et la reprise de formes aquatiques ou végétales, une évocation de l’équilibre sous-jacent qui nous cerne, de la beauté attrapée à la nature, la ligne d’une feuille, la transparence d’une goutte, toutes les formes, lignes, couleurs qui nous entourent. Ce rythme de la nature que nous avons laissé échapper qui se rappelle à nous dans ces quelques moments rares où nous savons être attentifs. Le rapport de mes personnages avec ces structures deviendra plus doux, plus harmonieux comme un équilibre qui se trouve tout naturellement quand nous prenons le temps d’être à l’écoute du monde.